jeudi 13 août 2015

Danny Clay



 
Joe avait comme refuge son gourbi à tuiles où étaient entassés son bois de chauffe et ses outils rouillés. Il rembobiné sa vie là, abrité sous son galure de terre cuite fardée de mousse. Le monde à refaire, peut être le sien, sa vie à ressasser ses utopies. A chaque fois sous son crâne, un tohu-bohu à faire hurler tous les chiens alentours. Pourtant, jamais aucun bruit derrière les planches, vers la plaine. Une ribambelle de tartempions abîmant la vie au quotidien revenait sans cesse, une poignée de proches vers lesquels ses désires ne sont pas allés. Il alternait ses boites de bières avec les bûches sèches censées chauffer son foyer. Il appelait ça sa "cachnette". 50cl à 9% avec l’unique but, en plus de décaper la tuyauterie, de brouiller la brume de ses lourdes pensées. Un clope sous les étoiles, le cul posé sur un bouquet d’échardes, il buvait là toute la substance de sa docilité quotidienne. Tout à refaire, minute par minute, là répondre ainsi, ici refuser ça. Et les rondins en ferraille défilaient sous de volutes buées lunaires.
 
Comment aurait-il pu faire sans ce baraquement branlant, sans cette charpente de hêtre à laisser passer les outremers de la voûte ? Pas de chien, ni de bestioles à quatre pattes, juste qq volatiles noctambules à qui ils manquaient les ailes. Puis des mondes cachés d'insectes et de toiles vierges qui garantissaient l'inviolabilité de son havre de paix.
 
C’était tout un exercice pour achalander le stock. Remplacer les morceaux de bois par les obus froids qui chauffaient le corps sans laisser de cendre. Il fallait passer par l’arrière du garage avec le cabas. Plus qu’une cave, les jus de houblon gardaient leur belle fraîcheur entre les bras de chêne, de charme et de bouleau. Le boulot, il n’en manquait pas, du charme non plus, les chaines, plus qu’il n’en fallait. Alors sous son préau édenté ouvert sur le ciel, bien à l’abri de n’importe qu’elle ondée, il venait régulièrement rincer son pus et fumer sa rancœur assis sur le billot vermoulu de sa cabane ouverte sur la voûte et sur les plaines. Il sifflotait là au frima des soirs d’encre, des airs du "Ganymed" de Shubert et semblait attendre l’éclat du matin.
 
Huit stères de bois coupé de 50 cm empilé là sous les vieilles tuiles mousseuses retenues par des briques entamées, quelques troncs remplacés par des canettes 50cl de pisse à 9°C, juste histoire de trouver un alibi au désire de solitude, se dire que l’on est pas là, juste un poil à côté des petites fenêtres bousoles éclairées qui vont guider le retour élucidé ou pas.
 


J’écoute le « Ganymede » de Danny Clay et je pense à Joe sifflotant Shubert, des rondins de bois nobles remixés de houblon. Tout est troublé, vague, une nature pastorale, méditative et mélancolique. "Ganymede" est une bande son sonore, ambiante et expérimentale, field recordings, piano box, calme et électro. Au casque ou sous un abri, cet album est un pur plongeon à explorer dans le plus profond silence.



Danny Clay 2015 "Ganymede" label : hibernati

2 commentaires:

Chris a dit…

On s'y croirait...

charlu a dit…

le "Ganymede" dernier morceau dure 30 min.. immersion totale, hypnotique.

Clogs 2003

  Près du Butin ensablé, la Seine s’emmanche. Du laiteux mou s’engouffre dans l’albâtre. La Manche n‘a que faire de l’océan, ici le bras l&...